A ne pas manquer, jusqu’au jeudi 11 avril sur Arte+7
Voici un excellent film à la fois documentaire et fiction sur le Paris du début du XXe siècle et Picasso. Il n’est malheureusement pas disponible gratuitement pour très longtemps, il a été diffusé sur arte le jeudi 4 avril 2013 et ne sera disponible sur le site de la chaine en replay pendant seulement sept jours ! Après cette date, il sera probablement disponible sur le site d’arte, mais sous un format payant.
En 52 minutes ce documentaire est extrêmement intéressant pour notre sujet. Il dépeint les conditions du « coup d’Etat » artistique que Picasso a réalisé en 1907 avec ses Demoiselles d’Avignon. Cette recontextualisation est permise par l’emploi de nombreuses images d’archives, datant des premières réalisations filmographiques au monde, d’enregistrements sonores et de photographies de l’époque. Seules quelques minutes sont fictives, elles essayent de recréer l’ambiance de l’atelier de l’artiste et sa relation avec sa première muse Fernande Olivier.
La partie qui nous intéresse le plus par rapport à notre sujet commence à partir de la 42ème minute. Elle traite en effet de la rencontre entre l’art africain et Picasso.
Mais il ne faut pas négliger de regarder le reste du reportage qui nous décrit le contexte de la création du cubisme et les diverses recherches que Picasso a déjà entreprises. L’art africain ne viendra qu’apporter la touche finale à ce long travail de réflexion sur l’esthétique des formes nouvelles et de réflexion sur l’art et de rôle de l’artiste peintre. Picasso est un personnage très torturé qui interagit avec le monde dans lequel il vit. Ce monde, très paradoxal, est tiraillé entre le puritanisme et une certaine liberté sexuelle qui existe notamment à Paris, lieu par excellence de divertissements en tout genre. Au niveau de l’art, deux courants s’affrontent : le classicisme de tradition française avec sa recherche de clarté et d’équilibre ; et le modernisme qui cherche à exprimer le mouvement, la modernité, le progrès technique et la vie citadine. Le tout dans un contexte de plus en plus nationaliste qui annonce déjà les guerres à venir.
Picasso est à l’écart de ces pensées politiques, pour les fuir, il se tourne vers un autre monde, celui des peuples dits primitifs à l’époque qu’il juge plus vrais et plus spontanés. En juin 1907, il fait la découverte du musée ethnographique du Trocadéro fondé en 1878. Notre documentaire relate ses propos concernant ce premier contact avec l’art africain :
« J’étais tout seul, je voulais m’en aller. Je ne partais pas, je restais. J’ai compris que c’était très important, il m’arrivait quelque chose. Les masques, ils n’étaient pas des sculptures comme les autres, pas du tout. Ils étaient des choses magiques. (Le tout diffusé sur un fond sonore angoissant et étrange qui exacerbe la teneur de ses propos) J’ai compris à quoi elles servaient, leurs sculptures de nègres, elles étaient des armes pour aider les gens à ne plus être sujet des esprits à devenir indépendants. Si nous donnons une forme aux esprits, nous devenons indépendants. Les esprits, l’inconscient, les émotions, c’est la même chose. J’ai compris alors pourquoi j’étais peintre. » Il est possible qu’il se soit senti comme un sauvage face à la nature, comme un artiste face à un monde qu’il ne maitrise pas.
Avec la version définitive de ses Demoiselles d’Avignon, il va essayer d’exorciser ce mal de la société (et peut être de lui-même) : la peur liée au sexe. Pour cela il va tout détruire pour former un nouvel art, ce sera le cubisme. L’œuvre nous apparaît ici comme l’aboutissement d’une recherche effrénée et d’un travail acharné. Comme il est dit dans ce reportage, tout est oublié « il ne reste que le désir, la violence, et la peur ».
En voyant, ce tableau, tous se tairont : Fernande, Apollinaire, Gertrude Stein… et Matisse se sentira attaqué dans son art plus joyeuse et positive que celui de Picasso plus violent, plus anguleux.
Une interprétation assez osée de la naissance du cubisme chez Picasso mais elle est appuyée par un mise en contexte qui semble très recherchée. Je vous conseille donc vivement d’aller vous forger votre propre avis le plus vite possible tant que cette vidéo est encore en ligne.
Bonne réflexion.
Camille